PAUL SMART ( RIP)
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sky.fred
ffrd
FLATIX
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Re: PAUL SMART ( RIP)
Automne 1970, je pousse la porte du tabac presse de mon village et j'achète mon premier numéro de Moto Revue.
Pas l'âge de conduire une Mob' mais déjà une certaine attirance pour la moto.
En couverture une grosse moto de course sur l'angle. Triumph sur le réservoir, Paul Smart au guidon.
Ce pilote, cette moto, me marquerons pour toujours.
Je possède toujours cette revue à la couverture rouge avec sa photo dans un rond en noir et blanc. Le cliché est de qualité médiocre, mais ce sont les standards de la presse d'époque, à des années lumières de la presse moto d'aujourd'hui.
Pour trouver un beau document de qualité, il faut chercher dans ces mines remplies de pépites au fin fond de la planète Web.
Smart au guidon de la grosse Triumph ; en 1970 une 750 c'était "une grosse moto"
droit photo : Charles Camberoque. (merci monsieur pour vos photos de grande qualité)
Smart (à gauche sur le podium) c'était le beauf' de Sheene, une belle paire de déconneurs loin du monde aseptisé du MotoGP*
Smart à roulé sur BMW !
Non ?
Si !
La preuve !
De petite taille, dans le paddock, les frenchies le surnommaient "Small Parts".
Adieu Champion.
Pas l'âge de conduire une Mob' mais déjà une certaine attirance pour la moto.
En couverture une grosse moto de course sur l'angle. Triumph sur le réservoir, Paul Smart au guidon.
Ce pilote, cette moto, me marquerons pour toujours.
Je possède toujours cette revue à la couverture rouge avec sa photo dans un rond en noir et blanc. Le cliché est de qualité médiocre, mais ce sont les standards de la presse d'époque, à des années lumières de la presse moto d'aujourd'hui.
Pour trouver un beau document de qualité, il faut chercher dans ces mines remplies de pépites au fin fond de la planète Web.
Smart au guidon de la grosse Triumph ; en 1970 une 750 c'était "une grosse moto"
droit photo : Charles Camberoque. (merci monsieur pour vos photos de grande qualité)
Smart (à gauche sur le podium) c'était le beauf' de Sheene, une belle paire de déconneurs loin du monde aseptisé du MotoGP*
Smart à roulé sur BMW !
Non ?
Si !
La preuve !
De petite taille, dans le paddock, les frenchies le surnommaient "Small Parts".
Adieu Champion.
ffrd
Re: PAUL SMART ( RIP)
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Cousindamérix
**************
- Alors, tout s’est passé comme prévu ?
- Non, mais c’était prévu.
Storm
Palica Gringo
Re: PAUL SMART ( RIP)
Outre sa prime doublée après sa victoire, Smart c'est vu offrir "sa" moto.
Bien des années plus tard, il l'avait "louée" au Musée Ducati avec en prime une mise à disposition d'une ducat' moderne.
Bien sûr, des vraies Ducati ayant gagnée à Imola, il y en à autant que des TZ250 Championne du monde, ex-Sarron
Bien des années plus tard, il l'avait "louée" au Musée Ducati avec en prime une mise à disposition d'une ducat' moderne.
Bien sûr, des vraies Ducati ayant gagnée à Imola, il y en à autant que des TZ250 Championne du monde, ex-Sarron
ffrd
Re: PAUL SMART ( RIP)
Je vous propose une interview de Paul Smart publiée sur l'excellent site Pit Lane consacré à la vitesse moto sous toutes ses formes, actuelles, passées et du futur.
Richement documenté, c'est une mine d'informations.
Charly ; un éminent contributeur, à fourni cette interview sur cette course de 1971, si cela vous passionne, régalez-vous !
Et encore un grand MERCI à Charly
Nous sommes en 1972, Francesco Costa, le père de Claudio Costa, futur fondateur de la Clinica Mobile, veut créer "le Daytona d’Europe". Il reprend l'ensemble du concept : la distance de 200 miles (320km), les motos strictement dérivé de la série, et surtout une énorme publicité autour de l’événement. Beaucoup de sponsors, de journalistes et le record de dotation pour l’Europe : 35 millions de Lires. On parle de la course du siècle !
Costa tient a ce que le "monstre sacré" Agostini soit de la fête, il pousse MV et les autres constructeurs italiens a s'impliquer. Le Moto Club Santerno d'Imola dont il est président organise un voyage a Daytona début mars pour faire découvrir la Formule 750 aux pointures italiennes. Arthuro Magni, F.Taglioni, Massimo Laverda, et Michele Bianchi pour Guzzi sont du voyage.
Taglioni se rend compte que sa nouvelle 750 (la première Ducati V2, la 750 GT, est sortie en 1971) pourrait être compétitive, et c'est l'occasion idéale de la promouvoir. En rentrant il prélève une dizaine de motos sur la chaine de montage, et commence a les préparer pour la course du 23 avril. Culasses Desmo double allumage, suppression de l'alternateur, pistons spéciaux, radiateur d'huile, adaptation de partie cycle, carénage..
Les pilotes maison, Bruno Spaggiari en tête, sont mis a contribution, mais l'usine veut aussi un top pilote du mondial. Barry Sheene refuse, sous prétexte de salaire insuffisant. Ducati n'est plus engagé en compétition depuis 1958 et la longue 750 GT semble impossible a faire tourner. Le projet manque de crédibilité.
Vic Camp (l'importateur Ducati Angleterre) suggère de téléphoner a Paul Smart. Il est absent mais sa femme accepte le contrat pour lui. Voici le témoignage de Paul Smart :
"Je courais pour l'équipe Hansen Kawasaki en Amérique et, pour être honnête, le salaire n'était pas bon. Je touchais 12 000 dollars par an et ce n'était tout simplement pas suffisant pour vivre. Ma femme Maggie m'a téléphoné et m'a dit qu'elle avait eu ce contrat pour piloter une Ducati à Imola. Tout ce que je savais de Ducati, c'est qu'ils faisaient des monos obsolètes, et je ne savais même pas où se trouvait Imola, mais Ducati payait mon billet d'avion et il y avait 500 £ de salaire, que je gagne ou pas, donc j'étais partant.
J'ai pris l'avion à Atlanta où je venais de courir, pour aller à Londres, puis tout droit vers Milan. À mon arrivée, j'étais mort debout. La seule chose que je voulais de Ducati, c'était de la nourriture et un lit.
Une grosse voiture avec chauffeur m'attendait, le genre avec des stores sur les vitres, probablement celle du Direttore. On m'a emmené sur le circuit d'essais de Modena qui se trouve au centre de la vieille ville, près de l'usine Ferrari. On était a quelques jours de la course, il n'y avait pas de temps a perdre. J'ai compris qu'il se passait quelque chose d'important parce qu'il y avait beaucoup de monde de chez Ducati, et l’ingénieur en chef Fabio Taglioni lui-même. La première chose qui m'a frappé, c'est que la moto avait l'air terriblement longue. C'était clairement une machine de route et elle n'avait pas l'air très excitante. Le support de cadre pour la béquille centrale de la moto de route était toujours en place. Sur le paddock, ils y mettaient un boulon et utilisaient la béquille d'origine. Je n'avais jamais vu ça sur une moto de course !
La moto avait l'air beaucoup trop longue et trop grosse pour une moto de course, mais j'ai tout de suite été impressionné par Taglioni qui m'a rappelé Doug Hele de Triumph - un homme a l'écoute, très enthousiaste, avec un grand sourire et une vision très claire de ce qu'est une moto de course. Comme Hele, il savait ce qu’il fallait faire pour que tout fonctionne, et cela m’a beaucoup plu.
Je suis parti pour 10 tours, et j'ai compris que le moteur était bon. Ducati avait travaillé dur. Descendant tout juste d'une Kawasaki H2TR sauvage, les montées en régime me semblaient vraiment lentes mais la moto avançait quand même pas mal. Elle n'était pas très vive non plus, il fallait un temps fou pour tourner, la garde au sol était limitée, mais elle était très stable a haute vitesse. J'ai adoré ça.
Franco Farné, le responsable de l'équipe de course Ducati, m'a demandé ce que je voulais changer et je lui ai dit que les pneus route TT100 devaient disparaître. Il craignait que les pneus de course ne tiennent pas les 200 milles, mais je ne pouvais pas rouler vite et en toute sécurité avec des pneus de route. J’avais également besoin d’une poignée de gaz beaucoup plus rapide car j’avais été blessé lors du North-West 200. Mon poignet était vraiment faible et je ne pouvais pas le bouger beaucoup.
Nous avons fait quelques ajustement (guidons, repose pieds, etc.) et 20mn plus tard je suis reparti pour une dizaine de tours. Rappelez vous, j’étais complètement crevé et de mauvaise humeur, je voulais juste aller me coucher. En rentrant aux stands les mécaniciens de Ducati sautaient dans tous les sens. Je venais de battre le record du tour d'Ago avec des pneus de route, et il l'avait fait avec sa 500cc de Grand Prix ! L’ingénieur Taglioni était debout, il avait toujours le sourire aux lèvres et vous parlait sans cesse, posant des questions, analysant la situation. Jamais je n'oublierais ce large sourire.
La moto venait tout juste d'être fabriquée à partir d'éléments de base des modèles GT, qui venaient eux même d'arriver sur le marché. Mon sentiment était qu'il était peu probable qu'une telle machine, non éprouvée, puisse terminer une course de 200 milles. Elle était beaucoup plus rapide que ce à quoi je m'attendais. 84 CV, et contrairement aux 2 temps, elle ne perdait pas de puissance a chaud. Cela donnait une puissance vraiment utilisable et me permettait d'être plus agressif avec la poignée gaz. La nouvelle Ducati était beaucoup plus facile à piloter et plus puissante que la Triumph que j'avais pilotée l'année précédente.
Il n'y avait pas grand chose à faire, Ducati avait tout réglé. Le plus gros problème était les pneus, ils n'écoutaient tout simplement pas. J'ai donc insisté : si on est sur la toile à la fin de la course, on fera avec.
Quand nous sommes arrivés à Imola, j'ai pu constater qu'il s'agissait d'un événement gigantesque au vu de la foule immense. Sur le paddock j'ai reconnu quelques personnes, Agostini, les coureurs anglais et quelques autres qui étaient tous surpris de me voir là-bas. La discrétion dans les stands Ducati, le sourire de Taglioni et ma présence ont occupé l'esprit de tout le monde. Quelque chose se passait chez Ducati...
Tous les grands noms et toutes les équipes étaient sur place. Agostini et l'invincible armada MV Augusta, Villa sur une Triumph au top, Jack Findlay [et Mandracci] sur une Moto Guzzi, Saarinen sur sa Yamaha, Peter Williams, Read et Rutter sur les Norton, plus l’équipe élargie BSA / Triumph avec notamment Pickford et Jefferies en selle. Il y avait aussi des équipes de Suzuki, Yamaha et Kawasaki [avec Simmons et Pépé Offenstadt, ainsi que quatre 750 Honda, des habitués de Daytona, la Laverda Segoni, etc.].
Ago m'a dit de ne pas me faire de soucis a cause de lui : la MV allait exploser, et de toute façon avec le cardan elle était pas pilotable. Je ne l'ai pas cru mais Bruno Spaggiari, mon coéquipier et moi-même, avons enregistré des chronos très rapides en qualifications, [Spaggiari a fait le meilleur temps du vendredi et le samedi Smart était en pole] alors je me sentais confiant dans nos chances.
Le jour de la course il y avait un monde incroyable. L'atmosphère était électrique et pleine de bruits comme seuls les italiens peuvent le faire. Des milliers de personnes ont obstrué les routes et il a fallu une éternité pour atteindre le circuit. Les spectateurs étaient partout, des toits aux cimes des arbres, quelque soit la direction ou l'on regarde, on voyait une masse de visages.
Cette piste est un de mes souvenirs les plus durables. C’était un magnifique circuit de Grand Prix à l’ancienne, parcourant les collines derrière la ville d’Imola. La piste était principalement composée de routes fermées a la circulation et leur tracé encourage les vitesses très élevées. Mon seul souci était la pluie, car la piste était bordée à de nombreux endroits par des barrières en acier Armco et des arbres, et le fait de décoller une roue pouvait avoir des conséquences plutôt déplorables. Je savais que ce serait un sprint, impossible de s’économiser. La partie critique du circuit était le virage Tamburello, celui où Senna s'est tué. Pour gagner, il faut passer à fond. Cela demande beaucoup d'adresse pour bien le négocier et être a droite a la sortie, et il fallait également beaucoup de courage ou de folie pour passer sans couper. Depuis le bas de la colline et pendant toute la courbe nous étions au taquet et nous prenions plus de 250 km/h. Les pneus étaient très fins comparés a ceux d'aujourd'hui, et les motos n’étaient pas si lentes.
Le manager de l'équipe Ducati, Fredmano Spairani, était un homme incroyablement déterminé, totalement concentré sur la victoire. Avant la course, pour limiter la bagarre, il a dit à Spaggiari et à moi-même :
"Écoutez, Bruno et toi allez être les premiers et les deuxièmes. J'aimerais que vous acceptiez de partager les primes du premier et du deuxième en parts égales."
Il était tellement convaincu et convainquant que nous avons accepté. Et pour couronner le tout, il a dit que si je gagnais, je pourrais garder ma moto.
Pendant la course, il n'y avait pas de panneautage, seulement trois bâtons de couleur :
-Rouge pour le danger : quelqu'un est tout proche
-Jaune : maintient ta vitesse
-Vert : ralentis.
Nous devions faire un ravitaillement pendant la course et la non plus, pas de panneau. Nous avions une bande translucide sur le côté du réservoir, ce qui permettait au mécanicien de s’assurer qu’il avait rempli le réservoir. Un pur système " analogic - no excuse".
Alors que nous approchons du départ, toute l'ambiance et tous les fans hurlants commencent à s'estomper, à ce moment-là, vous êtes inconscient du nombre de personnes qui vous entourent et vous êtes seul. Je regardais le ciel en pensant : Oh Christ, il va pleuvoir...
Mon gros souci était la moto. Aujourd'hui, les motos de course fonctionnent parfaitement, ce n’était pas le cas a l'époque. Ces vieilles choses perdaient toujours des trucs en route, elles devaient être surveillées en permanence. En particulier, je pensais au couple diabolique du gros twin en V et je ne voulais pas détruire l'embrayage avant le premier virage.
C’était un départ arrêté, moteur tournant. J'ai pris un bon départ, mais Ago était devant. Comme il l'avait prédit, après quelques tours, la MV a explosé, ce qui m'a permis de passer en tête avec Bruno. Ensuite j'ai perdu la première vitesse. Cela m'a toujours étonné que Bruno ne l'ait pas compris, et n'en profite pas pour prendre le large. Sinon ce n'était pas vraiment un problème car le moteur tractait fort, mais ça m'inquiétait qu'un morceau de métal se balade dans la boîte de vitesses, prêt a tout bloquer et a me tuer. Cela m'a fait décrocher pendant quelques tours, puis j'ai retrouvé confiance en moi.
Finalement le plus gros problème que nous ayons eu, c’est que Imola soit une piste très rapide et qu’il y ait des coureurs lents sur des motos lentes. De plus, sur ces 320 km tortueux nous devions éviter les motos qui rentraient a court de carburant. Le niveau de stress était très élevé.
Nous n’avons fait qu’un seul ravitaillement et c’était la partie la plus tendue de la course. Pour pimenter la chose, Spaggiari et moi-même sommes allés chercher de l’essence au même moment. C’était encore plus spectaculaire que d’être ensemble en tête de la course. Ducati ne voulait pas seulement gagner, ils voulaient que les motos soient première et deuxième, en formation pour toute la course et même pour faire le plein. Ducati voulait tout, et y parvenir serait magnifique. (Ce serait même a "fucking miracle !")
Spaggiari m'a dépassé pendant la course mais je suis repassé devant lui. Il ne m'a pas remis la pression avant le dernier tour, lorsqu'il a essayé de me faire l'exter en sortant de la section Aqua Minerale. A ce moment nous étions complètement à fond, j’ai vu sa roue avant arriver à côté, et pour lui faire comprendre mon désaccord, j'ai élargi ma trajectoire. Je ne l’ai pas revu après cela, et quand j’ai regardé en arrière, je me suis demandé s'il était sorti de la piste.
Pendant les derniers tours nous avions beaucoup d'avance sur tous les autres, et on pouvait entendre les hurlements des fans couvrir le bruit des moteurs. J'étais habitué à une foule enthousiaste en Angleterre, mais la c'était autre chose. Bruno et moi avons franchi la ligne d'arrivée en premier et deuxième et je me suis détendu pour la première fois depuis mon embarquement à Atlanta.
Je me souviens de mon retour dans les stands et des visages de toute l'équipe, notamment de Taglioni et du Directeur Fredmano Spairani, ils étaient ravi, c'était une sacrée opération pour Ducati.
Pour moi, la journée a été remarquable d'une autre manière, c'était mon anniversaire [Paul Smart est né le 23 avril 1943]. C’était vraiment un très bon anniversaire.
Ensuite Ducati a fait du tapage avec Bruno et moi. Ils ont mis les motos dans ce grand camion à parois de verre et nous sur le toit.
Ce soir-là, nous avons fait un grand tour de Bologne avec une longue procession de voitures, agitant des drapeaux et klaxonnant. Nous nous sommes arrêtés pour une minute devant la gare, mais des milliers et des milliers de personnes nous ont entourés et nous nous sommes joints à la fête. J'étais toujours dans mon cuir et tellement fatigué avec le décalage horaire en plus du reste, mais il était impossible d'échapper à cette fête. Il semblait que toute la ville soit sortie pour célébrer la gloire de Ducati, de Bologna et de l'Italie.
Quand ils m'ont promis la moto en cas de victoire, avec mon expérience passée des promesses de constructeurs, je ne les ai pas cru. J'ai eu tort, le lendemain Spairani m'a rappelé que je pouvais garder la moto. J’étais ravi, en plus de la moto je pense avoir gagné environ 5 000 £ - ce qui était beaucoup d’argent. Plus tard avec la Ducati 750, j'ai remporté le Hutchinson 100 à Brands Hatch en battant le champion, Phil Read. Après la course d'Imola et les courses suivantes, j'ai développé une réelle affinité pour la moto. Elle était rapide et n'avait aucun vice. Si je devais citer un défaut, ce serait la garde au sol, mais avec mon style de pilotage ce n’était pas un gros problème. Je la possède toujours, et je l'ai prêté à l'usine. Elle est exposée au musée Ducati à Bologne, en Italie''.
Richement documenté, c'est une mine d'informations.
Charly ; un éminent contributeur, à fourni cette interview sur cette course de 1971, si cela vous passionne, régalez-vous !
Et encore un grand MERCI à Charly
Nous sommes en 1972, Francesco Costa, le père de Claudio Costa, futur fondateur de la Clinica Mobile, veut créer "le Daytona d’Europe". Il reprend l'ensemble du concept : la distance de 200 miles (320km), les motos strictement dérivé de la série, et surtout une énorme publicité autour de l’événement. Beaucoup de sponsors, de journalistes et le record de dotation pour l’Europe : 35 millions de Lires. On parle de la course du siècle !
Costa tient a ce que le "monstre sacré" Agostini soit de la fête, il pousse MV et les autres constructeurs italiens a s'impliquer. Le Moto Club Santerno d'Imola dont il est président organise un voyage a Daytona début mars pour faire découvrir la Formule 750 aux pointures italiennes. Arthuro Magni, F.Taglioni, Massimo Laverda, et Michele Bianchi pour Guzzi sont du voyage.
Taglioni se rend compte que sa nouvelle 750 (la première Ducati V2, la 750 GT, est sortie en 1971) pourrait être compétitive, et c'est l'occasion idéale de la promouvoir. En rentrant il prélève une dizaine de motos sur la chaine de montage, et commence a les préparer pour la course du 23 avril. Culasses Desmo double allumage, suppression de l'alternateur, pistons spéciaux, radiateur d'huile, adaptation de partie cycle, carénage..
Les pilotes maison, Bruno Spaggiari en tête, sont mis a contribution, mais l'usine veut aussi un top pilote du mondial. Barry Sheene refuse, sous prétexte de salaire insuffisant. Ducati n'est plus engagé en compétition depuis 1958 et la longue 750 GT semble impossible a faire tourner. Le projet manque de crédibilité.
Vic Camp (l'importateur Ducati Angleterre) suggère de téléphoner a Paul Smart. Il est absent mais sa femme accepte le contrat pour lui. Voici le témoignage de Paul Smart :
"Je courais pour l'équipe Hansen Kawasaki en Amérique et, pour être honnête, le salaire n'était pas bon. Je touchais 12 000 dollars par an et ce n'était tout simplement pas suffisant pour vivre. Ma femme Maggie m'a téléphoné et m'a dit qu'elle avait eu ce contrat pour piloter une Ducati à Imola. Tout ce que je savais de Ducati, c'est qu'ils faisaient des monos obsolètes, et je ne savais même pas où se trouvait Imola, mais Ducati payait mon billet d'avion et il y avait 500 £ de salaire, que je gagne ou pas, donc j'étais partant.
J'ai pris l'avion à Atlanta où je venais de courir, pour aller à Londres, puis tout droit vers Milan. À mon arrivée, j'étais mort debout. La seule chose que je voulais de Ducati, c'était de la nourriture et un lit.
Une grosse voiture avec chauffeur m'attendait, le genre avec des stores sur les vitres, probablement celle du Direttore. On m'a emmené sur le circuit d'essais de Modena qui se trouve au centre de la vieille ville, près de l'usine Ferrari. On était a quelques jours de la course, il n'y avait pas de temps a perdre. J'ai compris qu'il se passait quelque chose d'important parce qu'il y avait beaucoup de monde de chez Ducati, et l’ingénieur en chef Fabio Taglioni lui-même. La première chose qui m'a frappé, c'est que la moto avait l'air terriblement longue. C'était clairement une machine de route et elle n'avait pas l'air très excitante. Le support de cadre pour la béquille centrale de la moto de route était toujours en place. Sur le paddock, ils y mettaient un boulon et utilisaient la béquille d'origine. Je n'avais jamais vu ça sur une moto de course !
La moto avait l'air beaucoup trop longue et trop grosse pour une moto de course, mais j'ai tout de suite été impressionné par Taglioni qui m'a rappelé Doug Hele de Triumph - un homme a l'écoute, très enthousiaste, avec un grand sourire et une vision très claire de ce qu'est une moto de course. Comme Hele, il savait ce qu’il fallait faire pour que tout fonctionne, et cela m’a beaucoup plu.
Je suis parti pour 10 tours, et j'ai compris que le moteur était bon. Ducati avait travaillé dur. Descendant tout juste d'une Kawasaki H2TR sauvage, les montées en régime me semblaient vraiment lentes mais la moto avançait quand même pas mal. Elle n'était pas très vive non plus, il fallait un temps fou pour tourner, la garde au sol était limitée, mais elle était très stable a haute vitesse. J'ai adoré ça.
Franco Farné, le responsable de l'équipe de course Ducati, m'a demandé ce que je voulais changer et je lui ai dit que les pneus route TT100 devaient disparaître. Il craignait que les pneus de course ne tiennent pas les 200 milles, mais je ne pouvais pas rouler vite et en toute sécurité avec des pneus de route. J’avais également besoin d’une poignée de gaz beaucoup plus rapide car j’avais été blessé lors du North-West 200. Mon poignet était vraiment faible et je ne pouvais pas le bouger beaucoup.
Nous avons fait quelques ajustement (guidons, repose pieds, etc.) et 20mn plus tard je suis reparti pour une dizaine de tours. Rappelez vous, j’étais complètement crevé et de mauvaise humeur, je voulais juste aller me coucher. En rentrant aux stands les mécaniciens de Ducati sautaient dans tous les sens. Je venais de battre le record du tour d'Ago avec des pneus de route, et il l'avait fait avec sa 500cc de Grand Prix ! L’ingénieur Taglioni était debout, il avait toujours le sourire aux lèvres et vous parlait sans cesse, posant des questions, analysant la situation. Jamais je n'oublierais ce large sourire.
La moto venait tout juste d'être fabriquée à partir d'éléments de base des modèles GT, qui venaient eux même d'arriver sur le marché. Mon sentiment était qu'il était peu probable qu'une telle machine, non éprouvée, puisse terminer une course de 200 milles. Elle était beaucoup plus rapide que ce à quoi je m'attendais. 84 CV, et contrairement aux 2 temps, elle ne perdait pas de puissance a chaud. Cela donnait une puissance vraiment utilisable et me permettait d'être plus agressif avec la poignée gaz. La nouvelle Ducati était beaucoup plus facile à piloter et plus puissante que la Triumph que j'avais pilotée l'année précédente.
Il n'y avait pas grand chose à faire, Ducati avait tout réglé. Le plus gros problème était les pneus, ils n'écoutaient tout simplement pas. J'ai donc insisté : si on est sur la toile à la fin de la course, on fera avec.
Quand nous sommes arrivés à Imola, j'ai pu constater qu'il s'agissait d'un événement gigantesque au vu de la foule immense. Sur le paddock j'ai reconnu quelques personnes, Agostini, les coureurs anglais et quelques autres qui étaient tous surpris de me voir là-bas. La discrétion dans les stands Ducati, le sourire de Taglioni et ma présence ont occupé l'esprit de tout le monde. Quelque chose se passait chez Ducati...
Tous les grands noms et toutes les équipes étaient sur place. Agostini et l'invincible armada MV Augusta, Villa sur une Triumph au top, Jack Findlay [et Mandracci] sur une Moto Guzzi, Saarinen sur sa Yamaha, Peter Williams, Read et Rutter sur les Norton, plus l’équipe élargie BSA / Triumph avec notamment Pickford et Jefferies en selle. Il y avait aussi des équipes de Suzuki, Yamaha et Kawasaki [avec Simmons et Pépé Offenstadt, ainsi que quatre 750 Honda, des habitués de Daytona, la Laverda Segoni, etc.].
Ago m'a dit de ne pas me faire de soucis a cause de lui : la MV allait exploser, et de toute façon avec le cardan elle était pas pilotable. Je ne l'ai pas cru mais Bruno Spaggiari, mon coéquipier et moi-même, avons enregistré des chronos très rapides en qualifications, [Spaggiari a fait le meilleur temps du vendredi et le samedi Smart était en pole] alors je me sentais confiant dans nos chances.
Le jour de la course il y avait un monde incroyable. L'atmosphère était électrique et pleine de bruits comme seuls les italiens peuvent le faire. Des milliers de personnes ont obstrué les routes et il a fallu une éternité pour atteindre le circuit. Les spectateurs étaient partout, des toits aux cimes des arbres, quelque soit la direction ou l'on regarde, on voyait une masse de visages.
Cette piste est un de mes souvenirs les plus durables. C’était un magnifique circuit de Grand Prix à l’ancienne, parcourant les collines derrière la ville d’Imola. La piste était principalement composée de routes fermées a la circulation et leur tracé encourage les vitesses très élevées. Mon seul souci était la pluie, car la piste était bordée à de nombreux endroits par des barrières en acier Armco et des arbres, et le fait de décoller une roue pouvait avoir des conséquences plutôt déplorables. Je savais que ce serait un sprint, impossible de s’économiser. La partie critique du circuit était le virage Tamburello, celui où Senna s'est tué. Pour gagner, il faut passer à fond. Cela demande beaucoup d'adresse pour bien le négocier et être a droite a la sortie, et il fallait également beaucoup de courage ou de folie pour passer sans couper. Depuis le bas de la colline et pendant toute la courbe nous étions au taquet et nous prenions plus de 250 km/h. Les pneus étaient très fins comparés a ceux d'aujourd'hui, et les motos n’étaient pas si lentes.
Le manager de l'équipe Ducati, Fredmano Spairani, était un homme incroyablement déterminé, totalement concentré sur la victoire. Avant la course, pour limiter la bagarre, il a dit à Spaggiari et à moi-même :
"Écoutez, Bruno et toi allez être les premiers et les deuxièmes. J'aimerais que vous acceptiez de partager les primes du premier et du deuxième en parts égales."
Il était tellement convaincu et convainquant que nous avons accepté. Et pour couronner le tout, il a dit que si je gagnais, je pourrais garder ma moto.
Pendant la course, il n'y avait pas de panneautage, seulement trois bâtons de couleur :
-Rouge pour le danger : quelqu'un est tout proche
-Jaune : maintient ta vitesse
-Vert : ralentis.
Nous devions faire un ravitaillement pendant la course et la non plus, pas de panneau. Nous avions une bande translucide sur le côté du réservoir, ce qui permettait au mécanicien de s’assurer qu’il avait rempli le réservoir. Un pur système " analogic - no excuse".
Alors que nous approchons du départ, toute l'ambiance et tous les fans hurlants commencent à s'estomper, à ce moment-là, vous êtes inconscient du nombre de personnes qui vous entourent et vous êtes seul. Je regardais le ciel en pensant : Oh Christ, il va pleuvoir...
Mon gros souci était la moto. Aujourd'hui, les motos de course fonctionnent parfaitement, ce n’était pas le cas a l'époque. Ces vieilles choses perdaient toujours des trucs en route, elles devaient être surveillées en permanence. En particulier, je pensais au couple diabolique du gros twin en V et je ne voulais pas détruire l'embrayage avant le premier virage.
C’était un départ arrêté, moteur tournant. J'ai pris un bon départ, mais Ago était devant. Comme il l'avait prédit, après quelques tours, la MV a explosé, ce qui m'a permis de passer en tête avec Bruno. Ensuite j'ai perdu la première vitesse. Cela m'a toujours étonné que Bruno ne l'ait pas compris, et n'en profite pas pour prendre le large. Sinon ce n'était pas vraiment un problème car le moteur tractait fort, mais ça m'inquiétait qu'un morceau de métal se balade dans la boîte de vitesses, prêt a tout bloquer et a me tuer. Cela m'a fait décrocher pendant quelques tours, puis j'ai retrouvé confiance en moi.
Finalement le plus gros problème que nous ayons eu, c’est que Imola soit une piste très rapide et qu’il y ait des coureurs lents sur des motos lentes. De plus, sur ces 320 km tortueux nous devions éviter les motos qui rentraient a court de carburant. Le niveau de stress était très élevé.
Nous n’avons fait qu’un seul ravitaillement et c’était la partie la plus tendue de la course. Pour pimenter la chose, Spaggiari et moi-même sommes allés chercher de l’essence au même moment. C’était encore plus spectaculaire que d’être ensemble en tête de la course. Ducati ne voulait pas seulement gagner, ils voulaient que les motos soient première et deuxième, en formation pour toute la course et même pour faire le plein. Ducati voulait tout, et y parvenir serait magnifique. (Ce serait même a "fucking miracle !")
Spaggiari m'a dépassé pendant la course mais je suis repassé devant lui. Il ne m'a pas remis la pression avant le dernier tour, lorsqu'il a essayé de me faire l'exter en sortant de la section Aqua Minerale. A ce moment nous étions complètement à fond, j’ai vu sa roue avant arriver à côté, et pour lui faire comprendre mon désaccord, j'ai élargi ma trajectoire. Je ne l’ai pas revu après cela, et quand j’ai regardé en arrière, je me suis demandé s'il était sorti de la piste.
Pendant les derniers tours nous avions beaucoup d'avance sur tous les autres, et on pouvait entendre les hurlements des fans couvrir le bruit des moteurs. J'étais habitué à une foule enthousiaste en Angleterre, mais la c'était autre chose. Bruno et moi avons franchi la ligne d'arrivée en premier et deuxième et je me suis détendu pour la première fois depuis mon embarquement à Atlanta.
Je me souviens de mon retour dans les stands et des visages de toute l'équipe, notamment de Taglioni et du Directeur Fredmano Spairani, ils étaient ravi, c'était une sacrée opération pour Ducati.
Pour moi, la journée a été remarquable d'une autre manière, c'était mon anniversaire [Paul Smart est né le 23 avril 1943]. C’était vraiment un très bon anniversaire.
Ensuite Ducati a fait du tapage avec Bruno et moi. Ils ont mis les motos dans ce grand camion à parois de verre et nous sur le toit.
Ce soir-là, nous avons fait un grand tour de Bologne avec une longue procession de voitures, agitant des drapeaux et klaxonnant. Nous nous sommes arrêtés pour une minute devant la gare, mais des milliers et des milliers de personnes nous ont entourés et nous nous sommes joints à la fête. J'étais toujours dans mon cuir et tellement fatigué avec le décalage horaire en plus du reste, mais il était impossible d'échapper à cette fête. Il semblait que toute la ville soit sortie pour célébrer la gloire de Ducati, de Bologna et de l'Italie.
Quand ils m'ont promis la moto en cas de victoire, avec mon expérience passée des promesses de constructeurs, je ne les ai pas cru. J'ai eu tort, le lendemain Spairani m'a rappelé que je pouvais garder la moto. J’étais ravi, en plus de la moto je pense avoir gagné environ 5 000 £ - ce qui était beaucoup d’argent. Plus tard avec la Ducati 750, j'ai remporté le Hutchinson 100 à Brands Hatch en battant le champion, Phil Read. Après la course d'Imola et les courses suivantes, j'ai développé une réelle affinité pour la moto. Elle était rapide et n'avait aucun vice. Si je devais citer un défaut, ce serait la garde au sol, mais avec mon style de pilotage ce n’était pas un gros problème. Je la possède toujours, et je l'ai prêté à l'usine. Elle est exposée au musée Ducati à Bologne, en Italie''.
ffrd
Re: PAUL SMART ( RIP)
Un mois après les 200miles de Daytona, j'ai eu l'opportunité d'être à nouveau à Imola. C'est vrai, pour Tous, l'accueil y était somptueux.
Arrivés tôt nous avons eu un box (avec les Grands) Les deux motos de Paul se trouvaient dans le box à coté du notre que nous partagions avec Cliff CAR.
conjointement à cette épreuve une réunion de motos anciennes avec de nombreux pilotes (d'époque) conviés pour l'occasion.
C'est la dernière fois que j'ai vu rouler la Honda 125 / 5 de Luigi Taveri,
Ago, à cette course, a sombré sous les tracas mécaniques.
Pas encore d'imitation pour cette machine, mais elle devait être bien placée dans le sérail de l'usine pour poser son séant dessus.
Le beau Philou, avec P Williams sont venus avec les Norton, ils n'auront pas plus de chance qu'à Daytona.
Bientôt 50 piges, ça nous pousse un peu.
Arrivés tôt nous avons eu un box (avec les Grands) Les deux motos de Paul se trouvaient dans le box à coté du notre que nous partagions avec Cliff CAR.
conjointement à cette épreuve une réunion de motos anciennes avec de nombreux pilotes (d'époque) conviés pour l'occasion.
C'est la dernière fois que j'ai vu rouler la Honda 125 / 5 de Luigi Taveri,
Ago, à cette course, a sombré sous les tracas mécaniques.
Pas encore d'imitation pour cette machine, mais elle devait être bien placée dans le sérail de l'usine pour poser son séant dessus.
Le beau Philou, avec P Williams sont venus avec les Norton, ils n'auront pas plus de chance qu'à Daytona.
Bientôt 50 piges, ça nous pousse un peu.
Topf
Re: PAUL SMART ( RIP)
Il y avait deux parcs des coureurs. Arrivés tôt, c’est dans le petit, au bord du circuit que nous étions.
J’avoue ne pas avoir eu le temps d’aller fouiner dans l’autre parc, les journées me semblaient déjà bien longues.
Alors les autres motos, même les BMW, j’ai un peu zappé.
Mais tant de monde les ont fait causer suite à ces événements, tout est dit.
J’avoue ne pas avoir eu le temps d’aller fouiner dans l’autre parc, les journées me semblaient déjà bien longues.
Alors les autres motos, même les BMW, j’ai un peu zappé.
Mais tant de monde les ont fait causer suite à ces événements, tout est dit.
Topf
Re: PAUL SMART ( RIP)
Topf a écrit:Un mois après les 200miles de Daytona, j'ai eu l'opportunité d'être à nouveau à Imola. C'est vrai, pour Tous, l'accueil y était somptueux.
Arrivés tôt nous avons eu un box (avec les Grands) Les deux motos de Paul se trouvaient dans le box à coté du notre que nous partagions avec Cliff CAR.
Merci à tous pour les photos !
Francesco
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