3 jours, 6 pays, 14 frontières et 1600km entre cols et lacs des Alpes

Samedi matin, je monte des Tourance sur la R1100GS. Et tiens, il fait beau, je dois aller faire un saut à Sion, en Suisse pour essayer une moto, j'en profiterai bien pour faire un petit tour...
Allez, une tente, un duvet, et roule pour roder les Metzeler!

Ca commence gentiment, par l'autoroute helvète qui longe le lac Léman pour remonter le Valais. Un peu chiant mais avec un magnifique paysage après Lausanne, l'autoroute surplombe le lac et permet d'admirer le Chablais.
Pause à Sion, j'essaye une R1150GS qui paraissait magnifique mais au retour d'un petit tour, émet un claquement peu rassurant du bas moteur...tant pis, je laisse tomber et je continue sur une route toujours aussi peu passionnante en remontant le cours du Rhône.
Le col de la Furka annonce les premières réjouissances:

(la photo n'est pas de moi, j'étais occupé à m'expliquer avec une japonaise dans les lacets.)
Une fois passé, la route serpente dans la vallée jusqu'à Chur (Coira), avec des maisons typiques qui ressemblent à un jeu de construction instable, le 1er étage reposant sur des pierres plates disposées sur les piliers du rez-de-chaussée...


On rejoint à l'extrêmité la vallée du Rhin, je trouve un camping à Landquart et passe la soirée avec des jeunes norvégiens et un suisse qui font le tour du pays en vélo. La nuit est belle, loin de toute pollution lumineuse on voit parfaitement les étoiles, ça tombe bien, il y en a plein de filantes.  Allez, déjà 500 km de faits!

Deuxième étape: les choses sérieuses commencent.
Vu que j'ai une sensibilité particulière pour les frontières, je décide d'en passer un maximum.
Je me réveille donc en Suisse, là ou je m'étais endormi, plie la tente, et m'en vais boire le café au Liechtenstein voisin.

j'y découvre dans la vitrine d'un coiffeur (pardon, un pilo-styliste pour hipsters paradiso-fiscalistes) un vieux mono qui regarde sa cadette avec l'envie d'aller se dégourdir aussi les pneus à tétines.

Puis repassage du Rhin, retour en Suisse puis en Autriche pour y faire le plein.
Tant qu'à faire, je pousse jusqu'à Lindau, en Allemagne, pour que ma grosse Bertha puisse retrouver ces racines. Une pause au bord du lac de Constance et retour en Autriche pour traverser le Tyrol via Sankt Ankton , Landeck. Les paysages sont magnifiques, les forêts pleine de sapins bien peignés, et quand on n'a pas la place de tracer une belle courbe, alors on construit la route en surplomb pour faire plaisir aux motards...

Par contre, si la limitation de vitesse à 100 est agréable sur route, les traversées de village sont émaillées de fonctionnaires qui te mettent en joue avec un pistolet radar. Gaffe!
A la sortie de la vallée, cap au Sud vers le lac de Resia, avec son église Saint Abbé Cottard qui comblera de joie ceux qui veulent faire bénir leur équipement de plongée sous-marine ou entraîner des scouts à l'apnée en latin.


Au fond, là-bas...le Stelvio. J'y vais.


On pénêtre dans une des plus belles vallées du voyage, dans le Tyrol Italien, avec des villages aux maisons peintes, dont un (Laudes) dans lequel Francesco pourra concilier son amour de la moto et des églises en prenant une photo Francesco Style au sein de l'église, puisque la route passe tout simplement...dedans.



Voilà un véhicule adapté à l'hiver!




Re-passage de frontière pour un petit bout de Suisse par le Val Müster avant d'attaquer le col de l'Umbrail, qui redébouche en Italie. La montée se fait par des lacets qui feraient peur à une gothique SM victorienne tant ils sont serrés, à négocier en première à l'embrayage.
Gaffe à ceux qui arrivent en face, qui ne sont pas toujours rompus à l'art de la négociation. Au pied du pass, j'ai doublé deux chops suédois avec une longue fourche, je me suis demandé comment ils allaient faire pour prendre les épingles sans manoeuvrer au milieu, et lorsque j'en ai croisé un autre du même acabit qui redescendait, j'ai hésité à le suivre pour assister à leur croisement: "Bon, ça, c'est ma jante, je la reconnais, mais ça, c'est ta fourche, non?" "Mais non, c'est ton guidon, regarde, moi j'ai des poignées en cuir, ta fourche elle est là bas, de l'autre côté de la route." "Ha oui, chuis con..."


Une fois l'Umbrail expédié, la route (italienne, faut suivre!) grimpe encore quelques metres pour arriver au Stelvio.


Beaucoup, beaucoup de monde, des embouteillages de Ferrari, bon, allez, c'est joli, je me casse.



Après avoir salué deux courageux en mobymatic bleue, je redescends en slalomant parmi les motards qu'une épingle semble terroriser tant ils sont à la peine.

Et pis arrivé à la moitié de la redescente, fading du frein arrière, juste là ou deux 4x4 sont bloqués dans un tunnel. Houlà, va falloir se calmer un peu.

Je continue via le Passo Foscagno, avec ses montagnes torturées et tordues dans tous les sens, puis retrouve la Suisse via le col de Livigno.
Redescente sur Saint Moritz, son lac, ses palaces démesurés,  ses lacets encore plus tortueux que ceux de l'Umbrail... je tenais jusque là la route entre Villefort et Mende pour la plus belle du monde, je crois que St Moritz vient de la détrôner!






Tiens, un cromlech?




Retour en Italie pour finir et dormir à un prix raisonnable, je passe la frontière juste avant Chiavenna et trouve un camping avec une douche froide, mais au débit illimité.

Encore une journée bien remplie, 500km de cols et de lacets, la bande de peur n'est plus qu'un lointain souvenir, les repose pieds fondent à vue d'oeil.
J'ai passé 10 frontières aujourd'hui!
Pizza, dodo!

Excellent !
Merci pour ce beau CR .

Comme quoi, avec juste quelques litres d'essence on peut faire de belles balades.
C'est pas si compliqué, la vie, en fait .

3e jour.
Réveil à 6 heures, décollage à 7 une fois le barda replié pour s'attaquer au premier col de la journée ( et première frontière), le col de Spluga, au dessus de Chiavenna.
Pas connu, pas fréquenté du tout, mais qui mérite le détour. Les lacets d'accès sont encore pire que ceux de l'Umbrail, la route serpente dans la roche au milieu d'un chaos de rocher, les montagnes à l'entour ne sont pas franchement rassurantes vu que visiblement, tout ça se fissure régulièrement et s'en va vivre son destin d'alluvion un peu plus bas dans la vallée...les villages alternent une maison, un rocher, un immeuble, un bloc, parfois les deux mélangés. Les galeries couvertes sont sombres, tortueuses, pleines de trous, de flaques, de bosses, le jour n'est pas encore levé, dans cette vallée on doit voir le soleil entre 11h58 et 12h 09 le 24 juin, mais une fois en haut, le paysage s'ouvre enfin:





Ensuite, on change de rythme, une longue et large nationale qui a des airs d'autoroute passe le col de San Bernardino puis rejoint Bellinzone par en dessinant un florilège de larges virages variés. Ca doit être le pied en K1...

Ensuite, une liaison chiante pour rejoindre Locarno et longer le lac Majeur. Ambiance mediterranéenne, balnéaire, c'est chouette mais le trafic important oblige à adopter un rythme de balade.



 Une fois de retour en Italie, je lache les rives du lac Majeur pour prendre la direction de Biella, me repaître d'une truite pêchée par la fenêtre au bord du lac d'Orta,  traverser le bien nommé village de Crevacuore qu'émaillent des usines fermées et désaffectées, avant d'entamer la remontée du val d'Aoste. Je voulais pas prendre l'autoroute, j'aurais dû, c'est juste chiant. Arrivé à Courmayeur, le Mont Blanc me barre la route, je le contourne donc par le col du Petit Saint Bernard. 

Un régal dans les premier lacets de la montée, mais à proximité du col un irascible carabinier m'empêche volontairement de le double dans les derniers virages. Bah, tant pis, j'en profite pour faire une pause. Je commence à avoir le cul tanné, j'arrive aux 500 km quotidiens.

A la redescente du col, j'en profite pour rendre visite à une petite cabane d'embuscades des douaniers, quelques dizaines de mètres avant le refuge du Petit Saint Bernard. Encore opérationnelle, je me souviens y avoir dormi à des fins touristico-sentimentales il y a quelques années, il suffisait d'emprunter la clé à la brigade des Douanes de Bourg St Maurice. Confort sommaire, une table, une chaise et un poêle, mais une vue au petit matin à venir à bout de la plus farouche.


Une fois dévalé à Bourg Saint Maurice, c'est l'heure de prendre le dessert: le Cormet de Roselend, il y a rien à faire, reste indétrônable dans mon panthéon personnel des cols Alpins. C'est pas le plus haut, pas le plus prestigieux, pas le plus fréquenté, mais c'est le plus beau.




Redescente sur Beaufort, Albertville, et comme ça ne serait pas raisonnable d'en rajouter encore, j'en suis à 600 km dans la journée, 12h le cul sur la moto à limer les repose-pieds, je finis par le col du Frêne, parce que c'est joli.



Et parce que terminer la route des cols par un Francesco Style sur la route d'Ecole (en Bauges), ça a de la gueule.


Quelques kilometres après cette photo, je roulais au pied de la montagne qu'on voit dans le fond. Soleil en face, route rectiligne bordée de prés verts illumnés par la lumière rasante, des nuées de moucherons qui étincellent en contre jour, et un renard, immobile au milieu de la route.  Bien entendu le temps de sortir le téléphone pour l'immortalisé, le goupil s'était fait la malle, mais cette apparition a clos de belle façon cette virée.

Voilà, un beau voyage avec un rapport qualité prix imbattable, dense, émerveillant, agréable en pilotage, dépaysant (ah, les délices de la conversation en schweizerdeutsch quand on dispose d'un lexique allemand limité aux boites de vitesses de monolever...)
Je crois que l'année prochaine, je m'attaque au Cento Passi...

Belle balade, c'est cool d'habiter près des montagnes. Si je veux faire la même chose il faut que je double le kilométrage. Les boules.

Merci JBT pour ce CR largement illustré.

T'as bien joué ! 
Le pneus sont bien rodés, trois jours de beau temps et pas de neige dans les cols. 


J'ai complètement raté mon passage au mois de juin, j'avais envisagé de faire voir là montage à la trottinette mais la météo en a décidé autrement 

Magnifique... !

Me manque un peu, la montagne, en ce moment...

C'est plus que magnifique, j'avais un appareil merdique et d'autre part il faudrait s'arrêter tous les kilomètres pour prendre une photo si on veut rendre compte de la beauté des paysages. 
La photo ratée du renard m'a foutu les boules, je vais me pencher sur l'adaptation d'un objectif au guidon.

C'est plus que magnifique, j'avais un appareil merdique et d'autre part il faudrait s'arrêter tous les kilomètres pour prendre une photo si on veut rendre compte de la beauté des paysages. 
La photo ratée du renard m'a foutu les boules, je vais me pencher sur l'adaptation d'un objectif au guidon.

The best of boss-worldeu ! 
Deo Dorant Gratias !


C'est bien, tu es un motard sérieux, ton short Tyrolien reste sur le porte bagage quand tu roules.

 

Et pendant ce temps-là je me tapais les Cévennes en Vespa. Mais pourquoi j'ai raté ma vie à ce point-là ? 

Super reportage, merci.
Ces photos et le texte:
"Confort sommaire, une table, une chaise et un poêle, mais une vue au petit matin à venir à bout de la plus farouche." 
Un régal 

Ca donne une grosse envie de balade.

srv a écrit:
"Confort sommaire, une table, une chaise et un poêle, mais une vue au petit matin à venir à bout de la plus farouche." 
 

Ca donne une grosse envie .

Moi je lis SAS, ça me fait pareil.....

Francesco a écrit:

srv a écrit:
"Confort sommaire, une table, une chaise et un poêle, mais une vue au petit matin à venir à bout de la plus farouche." 
 

Ca donne une grosse envie .

Moi je lis SAS, ça me fait pareil.....

Faut ajouter que l'isolement de l'altitude rend toute tentative d'appel à l'aide inutile.
Ceci allié à la perspective de redescendre à pied a vaincu bien des résistances.

Francesco a écrit:

C'est bien, tu es un motard sérieux, ton short Tyrolien reste sur le porte bagage quand tu roules.

Oui, je ne le mets qu'au dessus de 2000m, en dessous j'aime rouler nu.

J'irais là-bas...

Faudrait pas beaucoup me pousser pour que j'y retourne.
D'ailleurs ce WE, je vais me refaire le tour du Mont Blanc.

jbt a écrit:Faudrait pas beaucoup me pousser pour que j'y retourne.
D'ailleurs ce WE, je vais me refaire le tour du Mont Blanc.

Veinard... 
Je me réserve 5 jours (en semaine) en Septembre.
La destination ? 
La montagne idem que ton travel.

Merci pour l'évasion.

Merci Jbt     d'avoir pris le temps de nous partager tout ça  

ffrd a écrit:
Veinard... 
Je me réserve 5 jours (en semaine) en Septembre.
La destination ? 
La montagne idem que ton travel.

J'ai prévu d'y retourner en Septembre avec Madame...
Pas sur que ça corresponde, mais si une étape te tente à la maison ça sera avec plaisir!

Merci des photos et commentaires.

Bien agréable.

Merci Jbt, pour ce grand bol d'air pur!

jbt a écrit:
Tiens, un cromlech?

Land art spontané?

C'est royal ton périple, franchement.
Je ne partirai jamais avec toi!

J.marc a écrit:

jbt a écrit:
Tiens, un cromlech?

Land art spontané?

Barrages anti chars, beaucoup plus prosaïquement....

Je ne partirai jamais avec toi!

Meuh si, il suffit de prévoir de faire 6km en 1600 jours, c'est tout.
En attendant, si tu veux nous rejoindre dimanche, je te prête volontiers une moto pour faire le tour du Mont Blanc.

beaujolais racer a écrit:

J.marc a écrit:

jbt a écrit:
Tiens, un cromlech?

Land art spontané?

Barrages anti chars, beaucoup plus prosaïquement....

Ah d'accord...