Nouvelles café racer

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Message  Mick13 Jeu 29 Nov 2012 - 22:20

Sympa la prose, ça me fait penser a Izzo, et a je ne sais plus qui

Mick13


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Message  sameleon Jeu 29 Nov 2012 - 23:14

Merci, quand j'aurai récupéré les illustrations de mon pote j'en collerai une ou deux avec la prochaine nouvelle... parce qu'on y voit 2 flat qui valent le détour...
sam

sameleon


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Message  nortonton Ven 30 Nov 2012 - 7:24

J'ai bien aimé aussi.

AH oui ! Quand-même, j'espère que dans le magazine ils ont mieux orthographié "looser" clin
nortonton
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Message  sameleon Ven 30 Nov 2012 - 9:14

Voilà la n°3 publiée sous le titre "Car hier" (et là, c'est pas une faute d'orthographe, tonton)

Les grilles qui verrouillaient le lieu avaient dû être solides, les gonds profondément scellés dans la pierre étaient énormes. Aujourd’hui, les lambeaux de métal pendaient du linteau comme de vieilles dents pourries. L’accès était libre. Je suis entré à pied et je suis ressorti aussitôt. Je savais pourtant que je n’y couperais pas. Il fallait rentrer là-dedans. Cela faisait deux jours que le gamin y avait disparu, l’urgence commençait à urger urgemment.

J’étais arrivé la veille, suite à l’appel d’un betteravier laconique qui avait égaré son fils. L’homme m’avait, en peu de mots, exposé son problème en me signifiant qu’il y avait urgence. N’ayant rien de mieux à faire, je m’étais rendu sur place.
La ferme était immense. La cour à elle seule avait la taille de la place de Clichy. Les bâtiments qui la ceignaient étaient si nombreux et si divers que je renonçai à les compter. Un gros homme qui ressemblait à sa voix m’observait sans bouger. De près, malgré sa laideur suffisante et son accent à bouche pleine, ses yeux porcins cernés de rose et son groin humide, il était émouvant tant la peine avait marqué sa figure. En dix minutes, nous nous étions dit tout ce que nous avions à nous dire, pognon compris ; du moins, je le pensais. Son fils Lucien, 21 ans, étudiant en agronomie à Reims et qui avait choisi le champagne plutôt que la betterave - on ne pouvait pas l’en blâmer -, était parti la veille comme il faisait chaque week-end pour une balade à moto en solitaire ; et il n’avait pas reparu. Il ajouta que le terrain de jeu privilégié de son Lucien, c’étaient les carrières du coin. Avec quelle moto avait-il quitté la ferme ? Le gros haussa les épaules, ce qui fit vibrer longtemps ses bajoues et son ventre. Comme je m’étonnais qu’il ne puisse pas répondre, il me guida jusqu’au local à vélos : une grange mieux tenue que les autres, dont la porte était ornée de plaques émaillées au nom de marques de motos disparues. Elles étaient clouées ici et là, comme des premiers prix de concours agricoles. L’interrupteur tournant en bakélite était un peu capricieux, mais quand la lumière se fit, je restai ébaubi. Il y avait garé là, pêle-mêle, une vingtaine de motos en tout genre. Des rouges espagnoles, rachitiques et hautes sur pattes, des marron et des crèmes, françaises de l’entre-deux-guerres, une verte américaine attelée, et des noires, trois ou quatre, anglaises qui attirèrent mon regard. Une belle Triumph Speed Twin de 1937, une Norton plus commune et une Velocette Venom. Une autre machine, malgré la poussière et l’ombre sous laquelle elle était reléguée, continuait de rutiler discrètement. Je m’approchai. Ses entrailles étaient constituées d’un gros bicylindre en V culbuté, haut comme deux tours de Pise qui se feraient la gueule. Elle avait une fourche à ressort central avec une grosse molette de friction étoilée, et des cadrans partout, en cuivre et en laiton. Le réservoir très particulier était comme un long tube chromé avec des liserés noirs. La marque était inscrite sur le grip genou : Brough Superior. Une SS 100 ! Je n’en croyais pas mes yeux. 100 comme 100 miles per hour ! La première moto garantie dès 1926 pour passer le ton.
Cette collection était profondément anachronique. Ce ne pouvait être celle d’un gamin de 21 ans. J’aurais dû me douter que quelque chose clochait dans cette histoire.
Le gros avait disparu. Je remis mes questions à plus tard. Pour l’heure, il s’agissait de retrouver son rejeton. Je choisis dans la collection la machine qui me semblait la plus adaptée à mon boulot : une BMW 80 G/S parce que, malgré les préventions de feu mon pote Sandro contre les machines allemandes, j’avais toujours aimé cette moto aux allures de girafe obèse. En deux coups de kick, le gros flat s’ébranla comme s’il avait tourné la veille. J’eus alors la tentation de couper le moteur et de faire la même expérience avec la SS 100, mais je me rappelai que j’étais avant tout un détective et que le boulot était rare.

J’ai tourné toute la journée, visité toutes les excavations indiquées par les cartes d’Etat major et quelques autres. Chaque carrière avait une forme particulière. L’une faisait penser à une grotte quasi naturelle où le paysan était venu tant bien que mal arracher les trois pierres nécessaires à l’édification de son logis ; l’autre, avec son cœur à ciel ouvert, ses colonnades et ses multiples salles réparties tout autour, évoquait une demeure byzantine. Chacune d’entre elles était comme un trou par lequel on s’enfonçait dans l’histoire mais sans jamais pouvoir y mettre un ordre chronologique clair. Le gosse n’était nulle part.
Et puis, suivant mon inspiration et des traces de pneus étranges, je me suis aventuré sur ce chemin bourbeux. L’ouverture était invisible de la route. Les lambeaux de métal, donc, pendaient du linteau comme de vieilles dents pourries. L’accès était libre. Je suis entré à pied et je suis ressorti aussitôt. Ce n’est pas la peur qui m’a fait rebrousser chemin, pas exactement, c’est l’évidence de l’autre monde qui frappait par gifles successives. Le froid, d’abord. Comme si une ligne tracée sur le sol indiquait « ici s’arrête la chaleur », le froid accompagné d’un vent méphitique. La nuit, ensuite. La lumière s’étiolait gentiment puis disparaissait brutalement. Alors, le noir, comme une aspiration, digérait même le chemin parcouru. Venait ensuite le bruit. Le bruit du silence, les cris de la pierre, le craquement infernal de mes propres pas. Mais tout cela n’était rien comparé aux sensations qui dégoulinaient des parois. Les traces de coupes successives dessinaient des semblants de pierres empilées. Les pans non excavés faisaient comme des murs et, çà et là, de manière assez régulière mais pas clairement, des colonnes de roche brute épargnée formaient comme des piliers soutenant la terre. Mais pour combien de temps ? Cette carrière était une sorte de construction négative, précaire par nature. Des traces anciennes d’éboulis contenus par des murs eux-mêmes éboulés confirmaient la menace. Passé la première demi-heure d’appréhension qui m’avait fait rebrousser chemin toutes les dix minutes, je m’enfonçai plus profondément dans les entrailles du monstre, maintenant en compagnie du gros flat.
L’intérieur de la carrière faisait penser à un ouvrage de guerre. L’impression était accentuée par les jambes de force qui, partout, étayaient la grande salle. Cette carrière était la fille bâtarde d’un sémaphore et d’une cathédrale, une fille dégénérée, enterrée vivante, qui recueillait en son sein tout ce que la société paysanne pouvait avoir de rebut : des patates mutantes entassées par milliers dont certaines avaient la taille de petites citrouilles, des voitures amputées de leur train arrière, des moissonneuses batteuses putréfiées et des tonnes d’autres choses sans forme ni valeur. Une Mobylette accidentée attira mon attention. J’orientai le faisceau anémique de ma lampe sur la 99Z et j’eus la désagréable impression d’identifier non seulement des traces de sang mais aussi des lambeaux de chair accrochés au guidon. Faut vraiment être un putain de cul terreux pour garder un truc pareil ! je me suis dit, mais j’étais bien décidé à explorer ce gouffre comme un dentiste fouissant bouche immonde, jusqu’aux racines. La circulation était plutôt simple. Les difficultés venaient principalement du sol. Les ornières, les dénivelés brutaux, les obstacles de pierres et de fer me faisaient sans cesse dévier ; et tomber aussi de temps en temps. Ici, en plein milieu d’un carrefour, un bloc de pierre de la taille d’un dolmen s’était détaché en laissant son empreinte négative dans le plafond. Je frissonnai en imaginant le bruit entendu par les gars qui travaillaient là, juste à côté ; ou en dessous. Le bruit et la poussière. À laquelle ils étaient depuis longtemps retournés.
Il y a dans mon travail, comme dans le pilotage en terrain gras, une part très intuitive. Il faut se laisser guider par le terrain. De la poussière, mon esprit a glissé vers la mort, et de la mort au tombeau. De là, il s’est orienté tout seul vers les pyramides, les pyramides labyrinthiques où l’on emmurait des victimes innocentes. Ce fut ma première piste sérieuse. Juste à côté du dolmen se trouvait un mur de bidons empilés de manière anarchique. Quand on veut singer le désordre, me dis-je, on y met souvent beaucoup trop de soin et là, ça sautait aux yeux, cet agencement chaotique était trop parfait pour être accidentel : un mur de bidons à l’image d’une pyramide de déchets. J’ai coupé le moteur. Les cliquetis de l’échappement qui refroidissait venaient habiller un peu le silence, sans pour autant couvrir un autre bruit, à peine plus fort mais beaucoup plus sourd. Comme une succession de petits chocs mous. Un bruit qui provenait de derrière. « C’est toi Lucien ? » « Toc-toc ! » répondit l’emmuré. Voilà une affaire rondement menée et du pognon simplement gagné, me suis-je dit.
Mais la simplicité s’acharne à vouloir m’ignorer : en un instant, la carrière se transforma en géhenne. Les explosions prirent la place du silence, les faisceaux lumineux celle de la nuit, la fumée remplaça l’air et un bruit de liquide coulant à flot couvrit les cris des pierres.
Enfin une voix vint mettre un peu de cohérence dans tout ça.
« Eloigne-toi de ces bidons.
« - Pourquoi ?
« - Parce que !
« - Ah, d’accord ! »
Je ne bougeai pas. Un autre coup de feu perça un second bidon à deux mètres de moi. L’argument me parut plus convaincant. Le liquide entrant en contact avec le calcaire dégageait cette fumée toxique que j’avais déjà respirée un peu plus tôt.
« C’est un vieux stock de pesticide, un mélange de DDT et de Mirex concentré. Si tu veux, tu peux t’éloigner, je te le conseille même. Le problème, c’est que de l’autre côté des bidons, le gamin est un peu coincé. Ne m’oblige pas à recentrer mon tir.
« - Qu’est-ce que vous lui voulez, au gamin ?
« - A lui, rien. Le problème, c’est son père. »
Mon interlocuteur était à l’abri derrière les faisceaux aveuglants de ses projecteurs, mais dans sa voix de fumeur, grave et vibrante, qui remontait du tréfonds, j’entendis sa détermination, sa colère et, juste derrière, sa haine.
J’en déduisis qu’il valait mieux écouter et ne pas le contrarier.
« C’est un voleur, son père. Un voleur qui m’a volé. Ça fait vingt ans que je le menace, mais il refuse de me la rendre. Alors, j’ai pris son gamin… Le problème c’est que, même comme ça, il refuse de céder. Tu vois un peu le genre du type ! Il est prêt à laisser crever son gosse… Et bientôt, ce sera de ma faute ! Mais maintenant, tu es là et ça change tout parce que, maintenant, si le gamin crève, ce sera de ta faute à toi ! Tu as une heure pour me la ramener. »

Je franchis le porche de la ferme sans ralentir, dérapai devant la grange aux motos et me précipitai à l’intérieur. Je sortis toutes les machines dans la cour, béquillant celles qui pouvaient l’être, posant les autres à même le sol, puis poussai la Brough Supérior, jusqu’à une bétaillère garée un peu plus loin.
Je vis alors le gros paysan traverser la cour calmement ; d’un calme d’obèse qui sait très bien qu’il ne peut pas aller plus vite. Il avançait en pointant son fusil de chasse à double canon sur mon ventre.
« Remets cette moto à sa place. C’est ma moto. Car, hier, c’est à mon père que l’Anglais l’a confiée ; à mon père, pas au sien.
« - Quel Anglais ? j’ai demandé.
« - Ta gueule ! Remets cette moto où tu l’as trouvée. » Je regardai cet homme agité de tics et de tremblements et je compris que sa raison s’était absentée. Qu’elle s’était absentée de toute cette histoire. Je ne pouvais pas laisser le gamin sous prétexte qu’il y a soixante ans, un Anglais s’était égaré en Picardie. Je lâchai la moto qui tomba lourdement sur le sol dur et le tachymètre Smith explosa. Le paysan se précipita, la gueule défaite et le gras vibrant. Il posa son fusil pour relever la machine et reçut aussitôt un coup de pied en pleine face. J’ai le pied lourd parfois. L’obèse s’effondra et les petits morceaux de verre du compteur éparpillés se plantèrent dans sa joue flasque.

La bétaillère s’enfonça dans le long tunnel tortueux que je commençais à connaître comme ma poche. L’échange se fit sans un mot. Le gamin poisseux et brûlant de fièvre contre la machine rutilante et glacée. Un échange absurde dans un lieu absurde.
Je n’eus que le temps de porter Lucien et de l’allonger sur la paille pourrie avant que les premiers coups de feu ne retentissent. Le père du gamin chargeait comme un sanglier en hurlant des insultes d’un autre temps. L’autre répondait en riant avec la mitrailleuse fixée sur le capot du side-car R 75 Russie.
« Laisse-les faire et sors-moi d’ici », a murmuré Lucien.

Quand je suis passé récupérer mon pognon il y a trois jours, Lucien, sur le seuil de la ferme familiale, me regardait sans bouger. La Brough Superior avait retrouvé sa place au fond, dans la grange aux motos.
Lucien avait l’accent et le regard porcin de son père. Le ventre ne tarderait sans doute pas à pousser, me dis-je tristement.
Pourtant, il me fit une proposition qui me laissa pantois...





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Message  Richard Ven 30 Nov 2012 - 9:43

sameleon a écrit:
Pourtant, il me fit une proposition qui me laissa pantois...




Si ça te branche,je t'échange la vieille perfide contre une R1 pas trop chiffonnée.
Richard
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Message  sameleon Ven 30 Nov 2012 - 9:55

c'est tentant, je pense qu'il va réfléchir.

sameleon


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Message  Chris Ven 30 Nov 2012 - 14:54

J'aime bien Café Racer (Albin me casse un peu les c... on le voit trop) et je connais un peu Rob le photographe

Mais pour en revenir à toi, je lis tranquillement tes nouvelles après avoir épluché le canard et ................................................................................................................................................................ j'aime bien.................................................................................... Sauf la dernière avec le cadavre dans le side (il en faut bien une) !

Continue !


ps: Les illustres st sympas aussi.
Chris
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Message  sameleon Lun 3 Déc 2012 - 19:16

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