Le pourquoi de cette rubrique

Pour info, dans le cadre d'un contrat d'apprentissage, après la période d'essai, le CFA n'a plus aucune autorité sur le patron de l'entreprise.

D'accord, mais le problème est que personne ne s'empoigne la question.
Tous disent que " sinon les patrons ne prendront plus d'apprentis".
Avec une telle réponse, on pourrait justifier n'importe quel dérapage.

Attention, tu frises la politique, là...

Richard de l'Aulagnier a écrit:Attention, tu frises la politique, là...

Alors que lui....

C'est pas cool de se moquer d'un cancéreux.

Il y a un décalage énorme entre les attentes politiques, familiales, éducatives concernant l'apprentissage et la réalité de ce qui reste aujourd'hui le meilleur moyen de rater un diplôme.
Le discours officiel c'est " l'apprentissage, c'est une voie de réussite, c'est formidable, c'est une garantie de trouver du boulot".
La réalité, c'est que 40 % des contrats signés avant dix-sept ans ne vont pas à leur terme.
Raison principale? Les problèmes de transport. Hé oui, c'est tout con, mais on commence en septembre son contrat avec son scoot tout neuf, tout fier d'aller bosser comme un grand, en novembre ça flotte, ça caille, on y va pas parce que ça mouille ou qu'on est tombé ou que le scoot est en rade et l'histoire se termine bêtement comme ça .
Hors apprentissage, à diplôme égal, on a un taux d'abandon de 15 à 17%.
En dehors de ça, le taux d'obtention du diplôme et le taux d'emploi à l'issue du diplôme sont les mêmes, qu'on l'ait obtenu sous statut scolaire ou par apprentissage.

En général, ça rue dans les brancards quand je balance ça dans des salons de l'orientation ou en réunion avec des parents d'élèves. "Oui mais moi j'ai fait un CAP en apprentissage et maintenant je suis patron et j'embauche 10 personnes." balance généralement un gros monsieur moustachu tout rouge et tout énervé. "Oui monsieur mais vous avez passé votre CAP en 1975, on est en 2019." Le monde a pas mal changé depuis.

Le constat d'échec lié à l'apprentissage est manifeste. Alors comme on est en France, on va chercher à qui la faute.
Les patrons ne jouent pas le jeu? Oui. Les petites boites et les artisans essayent, mais ont souvent du mal à avoir assez de visibilité pour s'engager sur 2 ou 3 ans avec un apprenti, et pas forcément le temps, les compétences et l'envie de former quelqu'un en plus du boulot quotidien à assurer.  Les grosses boites ne jouent pas plus le jeu:  je me souviens d'un grand raout avec ministre, préfêt et tout ce que le département comptait de décideurs dans une grande entreprise locale fabriquant des roulements à billes, premier employeur du département, pour célébrer ensemble l'Apprentissage. Dispositif loué avec emphase par la DRH de la boite, se félicitant des efforts de son entreprise pour former des apprentis, et que tout le monde ferait bien d'en prendre de la graine et faire pareil pour relever la France,  jusqu'à ce qu'une petite voix (la mienne) se fasse entendre du fond de la salle :"Excusez-moi, vous formez des apprentis plutôt pour des CAP ou des Bac Pro?
- Heu, non pour des licences professionnelles ou un diplôme d'ingénieur.
- Combien de salariés y a t'il dans votre entreprise?
- 4500 salariés
-Combien de personnes en apprentissage cette année?
-Heu...3. Non, 2, il y en a un qui a arrêté.
- Merci.
Le directeur académique a pris la même coloration rouge que le monsieur moustachu parent d'élève.
C'est pas encore cette année que j'aurai les palmes académiques.
Bon heureusement que les PME jouent le jeu pour former les élèves qui n'ont pas encore pu démonter qu'ils étaient capables de faire des études.
Malheureusement, le dicton "chat échaudé craint l'eau froide" s'applique particulièrement bien à ce secteur. Dès qu'une mauvaise expérience a été connue avec un apprenti, c'est mort, fini, terminé pour des années ou des décennies.


Les gamins d'aujourd'hui sont des glandeurs? Pas forcement. Mais c'est sûr que celui qui s'imagine que l'apprentissage c'est super parce qu'on va moins travailler se met le doigt dans l'oeil jusqu'à l'épaule. Préparer un diplôme en apprentissage, c'est pas avoir moins d'école (par rapport à la même formation en lycée pro, le temps passé le cul assis sur une chaise en salle de classe est strictement identique puisque fixé par le programme du diplôme).  Par contre c'est avoir beaucoup moins de vacances (5 semaines/ an au lieu de 16), et un droit à l'erreur qui est très réduit. Si un môme oublie de remettre de l'huile après une vidange en lycée professionnel, il se fera engueuler. S'il fait ça sur son lieu d'apprentissage, il se fera virer.

Heureusement, il reste encore des patrons passionnés, citoyens, militants, qui y croient et continuent à prendre des gamins en apprentissage.
De moins en moins, et même si ça ne leur coûte quasiment rien (300€ par mois, et encore), c'est toujours trop d'emmerdements pour ce que ça rapporte.
Il faut dire que tant que seuls les élèves les moins scolaires et les moins aptes à apprendre se lanceront dans l'apprentissage, les patrons continueront à se coltiner les pires brêles au quotidien, avec les parents sur le dos en bonus.

L'éducation nationale? Bien sûr, c'est toujours sa faute de toute façon. Même si enfin, cette année, elle va pouvoir enfin se faire engueuler pour quelque chose puisque tous les lycées pro vont enfin devoir comporter une unité de formation par apprentissage et proposer dans tous les bacs pro de faire la dernière année en apprentissage. Justement à partir du moment ou les élèves ont plus de 17 ans et enfin la maturité et l'autonomie nécessaire à la réussite dans l'apprentissage.
Parce que ça marche quand même, l'apprentissage hein? Mais quand on prépare un diplôme supérieur au bac en apprentissage. Ca reste plus difficile que sous statut scolaire, mais pas dans des proportions aussi épouvantables que pour un CAP ou un Bac pro.
Exception faite des écoles privées hors contrat, de commerce ou de n'importe quoi, qui  n'utilisent l'apprentissage que comme produit d'appel pour promettre à des bacheliers une formation "au coeur de l'entreprise" vers un Bachelor d'Executive Management in Business. En fait, les gamins doivent d'abord passer un tout bête BTS de VRP, mais aussi trouver une entreprise qui accepte de les prendre en alternance ET de payer leur formation ET d'assurer leur formation, parce que ces écoles sont tout sauf compétentes en pédagogie. N'importe qui peut y enseigner n'importe quoi, même moi, c'est dire.  Et comme c'est mission impossible de trouver une entreprise qui tombe dans le panneau, on y trouve des gamins qui n'ont été pris nulle part ailleurs faute d'avoir un bon dossier scolaire, n'ont pas d'autre choix que de payer eux même les frais de scolarité exorbitants puisqu'on est fin octobre et qu'ils n'ont pas trouvé de patron.
Vive l'apprentissage.

Heureusement, il reste la Noblesse de l'apprentissage. La crême de l'élite du dessus du panier, dépositaires d'une tradition perpétuée par delà les siècles...
Les Compagnons.
Formation d'excellence et valorisation du travail.
Discipline rigoureuse.
Encadrement si poussé qu'il en deviendrait presque totalitaire selon certains.
Ouverture d'esprit et curiosité avec le fameux Tour de France - et même d'Europe! pour parfaire sa formation auprès des compagnons.
"Excusez-moi?
-Oui?
- Je ne vois que des garçons parmi les apprentis, vous n'avez pas de filles chez les Compagnons?
-...
-Non, sérieux?
- Vous comprenez, c'est difficile, parce que les maisons ne sont pas équipées pour accueillir des filles, et puis il faut que les jeunes restent concentrés sur leur apprentissage, et s'il y a des filles...
- Bah alors vous leur dites quoi aux filles qui viennent vous voir pour se former chez vous?
-...on leur donne les adresses d'autres CFA.

Voilà. Donc pour résumer, l'apprentissage, c'est super, si on a plus de 17 ans, qu'on a déjà obtenu brillamment un bac+2, qu'on a le permis, qu'on est prêt à s'investir et à bosser plus qu'à l'école, et qu'on a une paire de couilles pour ceux qui veulent une formation d'excellence.

Bonne chance à Louis.

Savate a écrit:
Du coup, Louis a changé son fusil d’épaule et a commencé à travailler début septembre et le CFA (à Tarbes) fin septembre. Ce sera donc un CAP en "maintenance de matériels pour jardins et espaces verts".  Une semaine d’école, 3 semaines de boulot… et une paye au bout !

Cerise sur le gâteau, afin de se rendre à son « boulot », scooter obligatoire (20Km de route de  campagne matin et soir). L’engin tant redouté par la madré est imposé par la situation.  Donc le garçon est aux anges…

Il est pour l’instant content de rentrer à la maison les mains sales , en espérant que ça dure…

Merci pour ces nouvelles.
Bonne chance à Louis !

Pour Jbt.... J'ai appris qu'il y avait 2 filles maintenant chez les Compagnons
 
Sinon ton laïus est très juste. Je suis ça, de loin, et ça me désespère aussi mais on a tellement craché, vilipendé, rabaissé etc etc le travail manuel qu'il va falloir ramer pour le remettre, j'allais dire, à la mode (!)


ps :mon père était d'ailleurs Compagnon couvreur et il a contribué à en former un. Inutile de dire qu'il était heureux de son sort et ne comprenait pas que les jeunes ne veuillent plus travailler dans le bâtiment, même s'il reconnaissait que ça pouvait être dur.

Chris a écrit: on a tellement craché, vilipendé, rabaissé etc etc le travail manuel

D'un autre coté

Chris a écrit:Pour Jbt.... J'ai appris qu'il y avait 2 filles maintenant chez les Compagnons
 

Une à la cuisine et l'autre à la vaisselle?

Sinon ton laïus est très juste. Je suis ça, de loin, et ça me désespère aussi mais on a tellement craché, vilipendé, rabaissé etc etc le travail manuel qu'il va falloir ramer pour le remettre, j'allais dire, à la mode (!)

Le travail purement manuel, ça fait longtemps qu'on l'a remplacé par une machine ou sous-traité aux niaquoués et c'est pas prêt de s'inverser.
Le manque d'estime vient aussi du fait qu'on considère beaucoup de métiers comme n'étant que manuels alors qu'ils demandent tous des capacités de réflexion, d'organisation, d'abstraction, etc...c'est d'ailleurs le propos de L'éloge du carburateur qui explique bien en quoi le travail "manuel" est beaucoup plus intellectuel et complexe qu'on le croit.
 Autre confusion classique, celle d'associer "apprentissage " et "travail manuel": on peut devenir comptable  ou architecte en apprentissage. La plupart des parents pensent qu'un CAP ne peut se préparer qu'en apprentissage, or c'est loin d'être le cas, hormis pour les métiers "rares" pour lesquels il n'existe pas de prof formé à enseigner la spécialité et qui ne peuvent s'apprendre qu'auprès d'un pro en apprentissage. 
A part ces rares cas, tout métier peut s'apprendre aussi bien sous statut scolaire que par apprentissage, et ça marche toujours mieux si on le fait avec des gens dont le métier est d'enseigner.

je rejoins à 100% JBT,
à l'université, on fait aussi des contrats pro, de l'alternance et de l’apprentissage
résultats, les gentils patrons embauchent des bacs plus +3 pour 2 ans, pour leur permettre de faire le master (niveau de sortie bac + 5)
l’étudiant est payé (une misere) pour faire ses etudes,
le gentil patron à un Bac+3 pour moins cher qu'un smicard, et lui faire le sale boulot, en espérant respecter le contrat pédagogique.

mais y'a quand même des points positifs
- l'etudiant a une vrai expérience sur son CV, et donc est généralement embauché (pas forcement dans la boite de sa formation)
- l'etudiant a une vrai méthode de travail, pas facile de concilier les cours et l'entreprise

Merci pour cette réflexion sur la formation.
Pourtant quoi de plus passionnant que de transmettre son savoir et savoir faire?
Bonne chance à Louis!
Le flatistan est avec lui!

Dans mon précédent boulot, on formait en apprentissage des acheteurs en marchés publics, statut cadre.

L'occasion a été donné à Louis de perpétuer un peu de votre générosité passée.
Une exposition LEGO Star Wars a été organisée ce jour dans le village d'à côté dont les bénéfices iront à une association qui œuvre pour le bien être des enfants malades et de leurs familles.

Louis s'est chargé de la mise en place de bon nombre de vos dons de l'époque,  restés jusqu'à lors dans leur vitrine.

L'exposition n'est pas terminée mais belle affluence ce matin !

Donc quelques années plus tard, je vous remercie encore, pour moi, pour Louis, et les enfants malades.
.








Si j'ai l'info, je vous transmettrai le montant reversé à l'association.

Parfait, super.

Merci pour le retour et les nouvelles somme toute encourageantes.

Je trouve ça dégueulasse de profiter que de pauv' gamins soient affaiblis pour leur faire peur avec des horreurs pareilles !!!!

En plus je croyais que les combats d'ours dans une arène, c'était interdit.....

Bravo.

c'est sympa, de voir que ça vas de l'avant 

L'arverne a écrit:Parfait, super.

+1 évidemment !!!

Lippo a écrit:

L'arverne a écrit:Parfait, super.

+1 évidemment !!!

Tous mes voeux de bonheur

Merveilleux !