La société du risque et la sécurité routière ; approche d'un paradoxe.

Dans notre société, la notion de risque recouvre plusieurs acceptations : tout d'abord celle du danger physique, mais également celle des probabilités, des enjeux, des aléas. On peut le subir, mais également le provoquer pour le maîtriser et en tirer un gain. La perception du risque n'est pas la même pour tous. Ce qui me parait sans risque peut sembler très risqué à d'autres. La différence d'interprétation vient de la différence du niveau d'expérience ou d'anticipation, et la deuxième grandit avec la première. Il peut également avoir banalisation du risque, qui reste réel mais sous-estimé (ce qui explique que les accidents sur les trajets domicile/travail soient très nombreux). Un point de vue différent peut également créer des différences dans la perception du risque. Par exemple, je ne monterai jamais derrière moi en moto, j'aurai trop peur...

Notre société a jusqu'à ces dernières années géré le risque de manière collective. Pour la maladie la sécurité sociale, pour la retraite un régime obligatoire, pour la progression sociale le militantisme, pour la perte d'emploi les ASSEDIC... Mais l'Etat providence a vécu, morcelé chaque jour un peu plus par une société capitaliste, qui a pour credo la société du "travail sur soi", individualisme que pressentait déjà Tocqueville il y a presque 200 ans. Nous voilà rendu à faire des efforts individuels sur presque tous les domaines de notre vie : autoentreprise pour affronter le chômage, caisses de prévoyances individuelles, coaching en tous genres, suivis personnalisés dans différents domaines, options payantes un peu partout (y compris à propos de sécurité)... Un peu partout le collectif vole en éclat (même en équipe de France de football) pour céder à la place à un système différentiel et personnalisé à outrance. C'est tellement bien inscrit que nos efforts portent même sur l’esthétique avec la vague de la personnalisation et de la customisation. Même la politique de la ville (domaine que je connais bien) commence à développer des expériences de capacitation, nouvelle forme d'éducation populaire qui elle aussi porte en ses gênes le goût de l'effort individuel. Nous voilà devenus des djihadistes (laïques) convaincus. Même l'amour et son commerce se range à ce concept avec ses speed dating et ses émissions racoleuses (L'amour est dans le pré). Je n'ai pas un avis tranché sur la question, il y a du bon et du moins bon dans tout cela ; mais je vois par contre une contradiction flagrante avec la façon dont nos gouvernants tentent de nous imposer la sécurité routière.

En effet, alors qu'au quotidien tout repose sur notre capacité de jugement, d'anticipation, de formation, d'accompagnement ; voilà que sur la route on nous traite comme des demeurés, nous imposant des règles souvent mal réfléchies et qui n'autorisent pas d'évaluation personnelle. Nous sommes traités comme des délinquants potentiels et de fait, le seul arsenal déployé est celui de la répression. Notre libre arbitre est annihilé, un écart valant des points, le tout pouvant allant jusqu'au bannissement social faute de moyen de locomotion. Quand la protection redevient collective, elle prend la forme d'une menace, vous parlez d'une pédagogie ! Pourtant comme le montre Sylvie Lidgi dans "Tous délinquants ?", le conducteur lambda ne cesse d'analyser son environnement pour s'y adapter. Bien sûr qu'il y a des écarts, des individus plus dangereux que d'autres, mais souvent ces derniers sont sans permis, bannis, humiliés et donc sans aucune image d'eux positive. Et sans fierté, l'homme ne respecte plus rien, ni lui, ni les autres. La confiance est souvent la meilleure des pédagogies, pas toujours, c'est vrai, mais au final, sur le long terme, elle reste la plus crédible. Nous sommes intelligents de manière individuelle, mais il existe aussi une forme d'intelligence collective sur la route ; la nier comme c'est le cas actuellement, c'est rendre les gens fatalistes et peu réceptifs à modifier leur conduite. pourquoi le faire puisque de toute façon cela n’entraînera aucune mansuétude en cas de faute involontaire. Car l'individualiste a besoin d'être plus motivé et plus valorisé que l'individu collectif qui trouvait son satisfecit dans la notion même de collectif. Punir pour punir apparaît alors comme la pire des méthodes, la plus idiote, la moins responsabilisante, et donc la plus à même d'aller dans le mur...

je pense que notre sté vise au contraire a ce que nous ne pensions pas, a ce que nous ne prenions pas nos responsabilités, surtout pas !!!!
On risquerait de penser

Très intéressant, ton approche, merci .....

Je ne crois pas qu'on cherche à nous responsabiliser en supprimant les sécurités mais seulement à ce que l'on achète de la sécurité en nous faisant peur.

Punir pour punir apparaît alors comme la pire des méthodes, la plus idiote, la moins responsabilisante, et donc la plus à même d'aller dans le mur...

Mais ... d' où vient cette " passion de la punition " du parti au pouvoir ?

très interressant cette réflexion!
mais ouqu'est la solution?

quand a la politique de la ville, alors la, on peut en causer,
c'est du grand n'importe quoi.....

Ben ouais, je sais, ça fait des années que je le dis.