Lior Shoov et Giedré

Hier, je prends in extremis des places pour un concert de Giedré à Genève. Parce qu'il serait quand même temps que je la voie en vrai, cette joyeuse luronne!
Pas numérotées les places, donc on part pour y être à l'ouverture des portes, à 19h. Ca fait un peu tôt pour un concert, mais comme c'est en semaine, en plein centre-ville d'une ville pas franchement réputée pour sa tolérance vis-à-vis de la vie nocture, bon, pourquoi pas?

Une fois dans la salle à balcons rococo de l'Alhambra, pas un chat, places assises uniquement, donc on se tanke au premier rang et on attend.
J'avais mal lu le programme: c'était pas Giedré Lior Show mais Giedré + Lior Shoov, en première partie. Bon, après tout, pourquoi pas.
Laquelle entre en scène à 20h pêtantes.
A quatre pattes.
Au milieu de quelques youkoulélés et trois clochettes.
Coiffée comme l'as de pique, vêtue comme un intermittent du spectacle, elle s'agenouille au milieu de la scène et descend une bouteille de flotte avec laquelle elle se gargarise en en recrachant partout, sans un mot. Puis elle patauge dans les flaques comme le ferait un gamin de 2 ans pour voir ce que ça fait.

Houlà.
 

Ca sent la performance de MJC d'expression corporelle contemporaine militante vegan GTI 16 soupapes pour la défense de la ZAD.
Bon.

C'est une première partie, quoi...regardons. Après, ya Giedré, alors ça ira forcément mieux!

Et pis elle a commencé à se frapper. Se mettre des claques, un peu partout, pour voir le bruit que ça faisait, comme un gamin, je vous dis. A souffler, éructer, grogner. Tout à son exploration sonore, elle reproduisait les bruits en provenance du public, les toussotements, claquements de strapontins, rires, raclages de gorges, les renvoyant en échos déformés, mais toujours sans un mot. Juste un regard, des  bruits et des mouvements. Elle explore l'espace physique et sonore, s'échauffe, avec ces mouvements ridicules qu'on fait généralement en coulisse avant d'entrer en scène.
Et enfin...elle attaque, tout simplement avec une petite boite à musique et sa voix.
Et là, c'est plus à elle qu'elle a mis un claque mais au public tout entier.
Elle semble toujours essayer, expérimenter, taper sur un truc pour voir si ça fait du son et quel son ça fait, essayer des trucs avec sa voix, sa bouche, son corps tout entier, parvenant à masquer sous cette apparence expérimentale ce qui est probablement une sacré maîtrise du son et de l'espace.
Parce qu'elle le remplit tout entier, de ses 50 kg étirés sur un mètre quatre-vingt, l'espace. Elle était clown, avant. Et emplit l'Alhambra, et forcément, on rentre en elle,  elle nous phagocyte, on fusionne. On l'avait pas vue venir, avec ses petits tapotements sur la joue en essayant de jouer la 3e symphonie de Bach ou un air traditionnel yiddish: forcément, on s'est tous amusés un jour, gamin ou adulte, à essayer de faire ça aussi, ça meuble les longs trajets chiants sous le casque de s'amuser à faire du bruit en claquant sa langue ou en faisant des pêts avec la bouche, me dites pas que je suis le seul à le faire. Alors on rentre dans son jeu. Pas le choix.
La différence c'est que Lior, elle en fait de la musique. Avec des bouts de rien, elle construit une mélodie, s'accompagne au chant en français, en anglais, en hébreu. Et si on comprend pas tout, c'est pas grave, elle nous apprend et on pige. Elle déplace une chaise? Elle la fait grincer sur le parquet, se cale sur l'harmonique produite et pose sa chanson dessus.
Ca pourrait être doux, gentillet, dit comme ça, une nana qui gratte un youkoulélé en chantonnant et tapotant sa chaise, mais en fait elle y est tellement impliquée, corps et âme que c'est très fort, charnel, totalitaire.  Je crois qu'elle commence réellement à jouer lorsqu'elle sort de scène: quand elle est dessus, elle est. A l'opposé d'une performance parfaitement maîtrisée, elle se met en danger, se place toujours sur le fil, semble être possédée, souffrir, jouir, prier parfois: et on est plus que témoins de ça, on partage avec elle.
Et le côté clown réapparait parfois, elle balance dans le public des clochettes, boîtes à meuh, girafes à pouêt ou mirlitons, et improvise un morceau en désignant chaque spectateur qui doit se servir de ce qu'il a. Elle me colle un bol en acier dans la main, comme à mes voisins,  verse de la flotte et s'en sert de percu pour s'accompagner. (J'avoue que je faisais pas trop le fier en la voyant danser les yeux fermés avec 3 litres de flotte en équilibre dans un saladier au dessus de ma tête...)
L'heure est passée sans la voir. Standing ovation. Des spectateurs pleuraient, d'autres restaient scotchés, béats, assommés, dans le même état de sidération qu'après une partouze backstage sous GHB avec Motorhead, Slayer et Metallica réunis (mais sans les acouphènes).

Giedré - et pourtant, je l'apprécie énormément- semblait toute fade après.

Que ne l'as-tu dit plus tôt ! 

Plus de concerts à Paris pour l'instant, mais c'était très tentant au vu des vidéos et de ton compte-rendu. Je surveillerai. 

A noter qu'elle avait fait la couverture d'un "Télérama Sortir" il y a quelques semaines- avec une très belle photo.

Tu t'es planté JBT...

C'est pas mécano BM qu'il fallait faire
mais journaliste, critique, essayiste

moi je reste scotché par ton éloquence, tu as un vrai talent 

Que dire de plus ? une sacrée belle personne. 



Sinon, elle cite quand même ses sources, pour la Boîte à Meuh :

http://www.flat-twin-bmw.com/t8399-un-peu-de-poesie

  Faut pas rester la les vieux gars

ça va sinon ?